L’autorité du Président n’est pas plus considérable que ne le veulent les députés. Lorsque les règles sont claires et régissent parfaitement les décisions du Président, son autorité est absolue et incontestée, car elle représente la volonté de la Chambre. Par ailleurs, lorsque rien ne le guide, le Président s’impose la plus grande prudence. Tout au plus, il est autorisé à renvoyer le problème à la Chambre pour que la Chambre elle-même crée le nouveau précédent.

PRÉSIDENT JEANNE SAUVÉ

(Débats, 18 mars 1982, p. 15556)

  1. Suivant

La procédure parlementaire a été décrite comme étant une « méthode qui permet de décider quand et comment le pouvoir doit être exercé1 ». En vertu d’une telle définition, la procédure rend légitimes l’exercice du pouvoir et sa contestation. On a aussi dit qu’elle était « une combinaison de deux éléments, le traditionnel et le démocratique2 ». Autrement dit, la procédure parlementaire fondée sur le modèle britannique dérive d’une compréhension et d’une acceptation de la façon dont les choses se sont déroulées par le passé, mais elle s’inscrit également dans une culture qui évolue selon des principes démocratiques. Ces principes, qui forment le « droit parlementaire »3, ont été résumés de la manière suivante par John George Bourinot, un expert en procédure parlementaire et Greffier de la Chambre des communes de 1880 à 1902 :

Les grands principes qui sont à la base du droit parlementaire anglais n’ont jamais été perdus de vue par les assemblées législatives canadiennes. Ce sont : protéger la minorité et restreindre l’imprévoyance et la tyrannie de la majorité, régler les affaires d’intérêt public de manière convenable et ordonnée, donner à chaque parlementaire la possibilité d’exprimer son avis dans les limites du décorum et éviter les pertes de temps inutiles, accorder la latitude voulue pour l’examen de chaque mesure et faire en sorte qu’aucune décision législative ne soit prise à la légère ou sur une impulsion soudaine4.

Des analystes de l’histoire parlementaire canadienne ont fait observer que l’idéal de « protéger la minorité » a été adapté aux impératifs d’efficacité d’un corps législatif dans le monde moderne5. Depuis l’adoption de règles touchant la clôture et l’attribution de temps, en 1913 et en 1969 respectivement, ainsi que d’autres règles décrétées par la Chambre, la majorité au pouvoir est en meilleure position pour faire avancer son programme législatif malgré les objections de la minorité. Il demeure que la procédure parlementaire vise à établir un équilibre entre la volonté du gouvernement de faire approuver ses mesures par la Chambre, et la responsabilité de l’opposition d’en débattre sans paralyser complètement le déroulement des travaux6. Bref, le débat à la Chambre est nécessaire, mais il doit conduire à une décision dans un délai raisonnable.

Les délibérations de la Chambre des communes sont régies par un vaste ensemble de règles et d’usages parlementaires — les usages (ou pratiques) représentent la partie de la procédure qui s’est imposée spontanément et qui est devenue la manière normale d’agir, bien qu’elle ne soit pas inscrite dans les règles officielles (le Règlement)7. Comme on l’indique au chapitre 1, bon nombre des règles et des usages adoptés au Canada prirent naissance au Royaume-Uni, tandis que d’autres trouvèrent leur origine dans les assemblées législatives antérieures à la Confédération8. D’après May, certains de ces usages virent sans doute le jour au Parlement lui-même, mais d’autres peuvent être rattachés à des pratiques analogues dans les cours de justice médiévales et les conseils de l’Église9. Certaines règles et certains usages sont demeurés pratiquement les mêmes pendant les 400 dernières années10, tandis que d’autres ont évolué avec le temps. Enfin, l’origine de certaines pratiques parmi les plus anciennes se perd dans la nuit des temps11.

Comme on le verra dans le présent chapitre, les procédures de la Chambre des communes se fondent sur la Constitution et les lois, le Règlement et la pratique de la Chambre des communes ainsi que sur les décisions des Présidents.